Géonomie

La géonomie est la science des rapports entre les sociétés humaines et leur environnement naturel.

La géonomie est la science des rapports entre les sociétés humaines et leur environnement naturel.

Genèse

Après que le biologiste allemand Ernst Hæckel a, le premier, créé en 1866 le terme d'écologie qui veut dire connaissance de la maison (il entendait par maison, notre planète et sa biosphère), il devenait nécessaire de trouver un terme signifiant "gestion de la maison" dans le sens hæckelien de "gestion de notre planète et de sa biosphère, de nos rapports avec elles". On ne pouvait pas utiliser économie (dont gestion de la maison est exactement le sens) car que ce terme était déjà pris dans un sens étroitement productiviste. L'un des étudiants d'Hæckel, le naturaliste et géographe Grigore Antipa, eut dans ce cas l'idée d'utiliser en 1909 le terme de géonomie qui veut dire gestion de la terre, pour décrire le système de gestion rationnelle des ressources naturelles des bassins du Danube et de la Mer Noire, qu'il avait mis en place à partir de 1898 avec l'appui du roi Charles I de Roumanie[1]. Ce système avait pour but de favoriser la navigation, d'augmenter la production de poisson et de cannes, et de diminuer la biomasse des moustiques, sans contrarier les équilibres écologiques ni le rôle de filtre et d'éponge à crues que jouent les zones humides.

Vue d'artiste de la Terre vue depuis l'espace

Après la première guerre mondiale, le terme géonomie fut introduit en français par le géographe Albert Demangeon qui en eut connaissance par son collègue Emmanuel De Martonne qui avait travaillé en Roumanie. Mais géonomie resta peu utilisé jusqu'à ce qu'André Cholley l'emploie dans son Guide de l'étudiant en géographie publié en 1942. A partir de 1947 Maurice-François Rouge de l'Institut d'Urbanisme de Paris en fixa la définition française dans un ouvrage (La géonomie ou l'organisation de l'espace, L. G. D. J), où il écrit : "La géonomie est une discipline nouvelle de l'action, différente de l'urbanisme et de la géographie, c'est la science de l'organisation de l'espace, qui étudie les structures et les équilibres qui affectent l'occupation des sols, sous le triple aspect de la géographie, de la sociologie et de l'économie" (M-C. Robic, 1996). Dans les années 1970-2000, le terme fut remis en usage par le géographe Philippe Pinchemel et par le biologiste écologue et éthologiste François Terrasson du Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris, dans ses travaux sur un remembrement non-destructif des haies en France, et sur la reconstruction des milieux aux îles Galapagos.

Toutefois, géonomie n'a pas encore été intégré par les encyclopédies grand public, bien que selon ses promoteurs et utilisateurs, il soit appelé à un grand avenir, vues les menaces actuelles sur les équilibres environnementaux et climatiques de notre planète. En français il reste reconnu comme un terme relevant d'un jargon technique, et est fréquemment employé comme synonyme d'étude d'impact. Il n'a pas non plus été adopté en anglais, bien que des scientifiques éminents tels James Lovelock, Stephen Jay Gould ou Jared Diamond aient une approche typiquement géonomique. Selon François Terrasson, cette méconnaissance s'explique par la pensée duale développée durant le XIXème et le XXème siècles, pensée qui oppose l'homme à la nature et l'économie à l'écologie.

Spécificité

Pourtant, la Géonomie est une science à part entière, à la fois théorique et appliquée : elle étudie les utilisations, la "consommation" et la réaction des milieux, mais peut aussi expérimenter et/ou préconiser des actions. A la fois descriptive à partir de mesures, conceptuelle en termes de modèles, et prédictive par le biais de projections des phénomènes observés, la géonomie permet de connaître dans quelles conditions s'élaborent les transformations qui ont des répercussions sur notre vie quotidienne. Elle permet surtout de prévoir les conséquences de nos décisions, par le biais d'études d'impact. Elle peut nous montrer comment survivre comme espèce sur cette planète en perpétuelle transformation que nous habitons, et aussi ce qui peut menacer notre survie.

Dès 1953, dans le cadre de son cours d'Organisation de l'espace à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes, Maurice-François Rouge définit ainsi la géonomie : "C'est un ensemble de connaissances scientifiques pris dans les sciences et disciplines de base (géographie physique et humaine, géologie, pédologie, climatologie, écologie, démographie, sociologie, économie…) qui sont mises à contribution pour décrire la réalité des espaces et les lois et conditions de leurs modifications possibles; ensuite une série de combinaisons de ces apports, aidées par différentes techniques (mathématiques, cartographiques, statistiques) qui forment les moyens utilisés par le "géonome" dans son "art" de recherche des solutions les meilleures".

Pour un géonomiste, les problèmes de l'économie, du climat, de l'environnement sont reliés : les solutions doivent l'être aussi. Dans cette perspective, écologie et économie ne sauraient suivre des logiques antagonistes, mais représentent deux aspects d'une même réalité. La géonomie cherche des réponses à ces problèmes, dans l'objectif de tenter de léguer à nos descendants un monde encore habitable pour notre espèce, et pour d'autres.

Pour un géonomiste, histoire naturelle et histoire humaine ne sont qu'une seule histoire. La terre, l'eau, le climat, la vie, l'humanité forment un tout et dépendent les uns des autres : apprendre à décrypter le passé, c'est mieux comprendre notre présent et mieux anticiper notre avenir. L'hypothèse Gaïa émise par James Lovelock et ses collègues, mais aussi les travaux de Jared Diamond et de René Dumont, relèvent d'une démarche typiquement géonomique, même si ses auteurs n'ont pas utilisé ce terme.

Théorie des pulsations

La démarche géonomique explique, comme l'a fait entre autres Jared Diamond, l'expansion de certains groupes humains ou civilisations par des causes principalement environnementales ayant permis une expansion démographique, culturelle et militaire. L'apparition d'anticorps ou de défenses contre une endémie (par exemple les hématies falciformes contre les plasmodes du paludisme), l'exploitation de telle ou telle nouvelle ressource (par exemple les animaux domestiques ou les métaux) et l'émergence de telle ou telle nouvelle technologie (par exemple l'irrigation ou la métallurgie du fer) peuvent expliquer les brusques expansions des Indo-Européens, des Bantous, des peuples turcophones ou des Austronésiens par exemple. Mais au bout d'une période, ces expansions s'"essoufflent" et s'effondrent. En Océanie, dans les cas de Henderson Island ou de l'Île de Pâques et en Europe, il est facile de corréler évènements naturels et évènements historiques. Par exemple, la période d'abandon de nombreux sites de peuplement agricole du 13ème au 9ème siècles avant notre ère en Italie et Grèce coïncide avec les grandes éruptions des volcans de Théra, Etna et Vésuve, ou encore la période des "grandes invasions" du 2ème au 10ème siècle de notre ère coïncide avec la péjoration climatique correspondante en Eurasie septentrionale. On connaît bien aussi les effets des grandes épidémies, telles la grande peste en Europe au XIVème siècle. Ces alternances d'expansion et d'effondrement forment la théorie des "pulsations" décrites par Diamond dans son ouvrage "Collapse" ("Effondrement").

Dans cette optique, comme l'expliquent Diamond, et aussi Al Gore dans son film "Une vérité qui dérange" ou Leonardo Di Caprio dans son film "La Onzième heure", la très récente civilisation technologique mondiale actuelle et ses six à huit milliards d'habitants forme une "pulsation" qui s'explique principalement par l'accès aux énergies fossiles ainsi qu'à l'uranium ; une fois celles-ci épuisées, que ce soit dans un demi-siècle ou dans cinq siècles, et quels que soient d'ici-là les progrès de la technologie, les énergies disponibles se limiteront à nouveau aux énergies renouvelables, comme avant l'âge du charbon, et l'humanité devra revenir à moins d'un milliard d'habitants ainsi qu'à des technologies ne nécessitant pas l'emploi ou la transformation d'hydrocarbures ou d'uranium. L'objectif de la géonomie est, dans cette transition, d'anticiper les phénomènes de façon à la rendre la moins violente et conflictuelle possible.

Critiques

La critique contre la démarche géonomique émane en particulier des sociologues, surtout d'inspiration ultra-libérale ou anti-capitaliste. Cette critique vise à démontrer que le progrès scientifique et technique servant à relever tout défi que la nature poserait à l'humanité, les problèmes environnementaux ne sont en réalité qu'un effet secondaire de certains choix sociaux et politiques, d'une organisation socio-économique déficiente, et seraient résolus (ou ne se manifesteraient pas) avec d'autres choix et une autre organisation. Des scientifiques se joignent quelquefois à ces sociologues, tels le physicien Claude Allègre en France. Par exemple, dans son article intitulé «Du génocide à l'écocide : le viol des Rapa Nui» Benny Peiser critique les interprétations géonomiques de Jared Diamond, accusant ce dernier de pseudo-science.

Cependant, Benny Peiser, Claude Allègre et leurs proches ignorent les faits qui contredisent leurs théories (par exemple, en niant le fait que de nombreuses migrations et invasions humaines ont résulté d'une dégradation importante de leurs écosystèmes d'origine ou de péjorations climatiques, faits néenmoins attestés par des recherches archéologiques).

Mais, affirment les critiques de la démarche géonomique, d'une part ces corrélations sont fréquemment difficiles à dater avec précision, d'autre part corrélation n'est pas preuve, et les traces de violence associées à ces abandons ou invasions peuvent avoir eu des causes sociales, comme par exemple la croissance démographique et la hiérarchisation au sein de sociétés dites "barbares" en pleine transformation sous l'influence des empires méridionaux (Rome, Byzance, Chine... ), objets de leur convoitise.

Cependant ces controverses n'affectent pas les géonomistes de terrain, qui soulignent que les causes d'un phénomène et les solutions aux défis actuels ne sont jamais uniques.

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Bibliographie

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